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Lettre
ouverte au divin Jupiter de la Préfecture
Préfecture de Saint-Denis (La Réunion)
Divin
Jupiter de la
Préfecture,
Je suis ravi de vous savoir doté d'un bon salaire, un salaire qui, il
est vrai, fait pâlir les vraies élites de notre bonne
république
: professeur de médecine, chercheur du CNRS, professeur au
Collège
de France. Ces brillantes élites gagnent en fin de carrière 6000 euros
par mois, et vous, vous gagnez la même somme au beau milieu de votre
propre carrière. Dieu le sait : ces vraies élites ont passé de
beaux concours lors de dix années d'études et même plus. Et pourquoi
cette mirifique dotation financière vous concernant, alors
que vous êtes à un échelon bien en-dessous, une célèbre élite à placer
à un étage nettement plus bas ?
Je pense ne
rien vous apprendre. Les énarques sont partout dans
l'appareil de
l'Etat. Bons conseillers, ils préparent décrets, lois, arrêtés ... Ils
ont fait de leur mieux pour bien servir leurs grands amis
: les députés, les sénateurs, les ambassadeurs, les préfets,
les
sous-préfets, les élus qui, en plus de leur mandat,
recueillent
parfois la
présidence d'une SPL Je vous laisse trouver d'autres amis; ma maigre
liste est loin d'être exhaustive. A propos justement d'une
SPL, Dame Couapel-Sauret, avocate, vice-présidente de la
région
Réunion
en
a hérité une; au total, elle fait, elle aussi, pâlir nos
vraies
élites : plus de 8000 euros par mois sans faire le moindre effet de
manche. Elle se la coule douce, elle pète dans la soie, pour reprendre
la métaphore de Charles Gave, aussi fin connaisseur des pilleurs
d'Etat que le repenti Philippe Pascot.
Et la
dame a clamé que c'était légal. Je ne la contredis pas :
elle connaît bien le Dalloz, son bréviaire; ce n'est pas le mien, Dieu
merci; je
me frotte plus volontiers aux œuvres de nos anciens grands maîtres,
par exemple, celles de Platon, de Cicéron et de César,
lequel a eu
l'audace de franchir le Rubicon...
Seulement, revêtu virtuellement de mon gilet bien bien jaune, je clame
haut et fort
qu'il
y a un légal bien arrangé, comme on trouve le bon rhum arrangé dans les
bonnes caves des cocotiers. Ce légal si bien arrangé est illégitime et
- osons le dire - profondément immoral. Oui,
ce légal
arrangé dérange horriblement le légitime, la loi du simple bon sens.
Entre ce légal arrangé et le légitime, il y a comme un abyme
... horriblement abyssal. Sans en mesurer toutes les
conséquences,
avec leur légal bien à eux, les énarques ont mis en place la France
d'en Haut et la
France d'en
Bas; oui, la France est scindée en deux
: on y trouve,
d'une part, les seigneurs de notre
république, d'autre part, la plèbe avec ses gilets jaunes.
L'Ancien Régime fait encore de la résistance sous la Vème République.
Et
nos
valeureux énarques sont sortis d'une prétendue prestigieuse
école, l'ENA - l'Ecole Nationale de
l'Administration - où l'on a, de toute évidence, comme devise : "Servir l'Etat,
c'est bien, se servir soi-même, c'est mieux".
Mais aux yeux
des
gilets jaunes et donc à mes propres yeux, l'ENA, c'est l'Ecole Nationale
de l'Arnaque. A bien
réfléchir, on peut affirmer que nos
malicieux énarques sont les vrais responsables de la révolte des gilets
jaunes. La France d'en Haut tire, à hue et à dia, de toutes ses forces,
la grande couverture à elle; et par voie de
conséquence, la
plèbe
tousse, elle grelotte, elle se meurt. La France d'en Haut se
gave, tandis que la
plèbe, taillable et corvéable
à merci, croule sous les taxes et vit misérablement; elle ne connaît
plus la poule au pot hebdomadaire de Henri IV. La France d'en Haut a
presque toute
la
cagnotte de Bercy, la France d'en Bas une toute petite part, une part
toute menue, toute chétive. "Liberté, égalité, fraternité", belle
devise qui fait rêver et qui se
réalisera quand mes colombes auront des dents.
Divin Jupiter de la Préfecture, revenons à nos moutons. J'ose, à
regret, charger encore votre barque déjà bien pesante - mais le nocher
Charon en
a vu d'autres. Vous ne parlez
jamais de
votre restaurant personnel, votre Foucquets pour lequel vous avez
recruté un excellent cuisinier, un maître queux étoilé ou en devenir.
Qui paie ? Le maître de Bercy vous a dit : "Tak out bouce,
c'est
un dessous de table".
Et, soumis, vous ne dites rien, vous
respectez, à
merveille, le devoir de réserve. Lequel devoir peut se contourner en
ayant recours à la plume d'une tierce personne. Je vole donc à
votre secours. Je suis votre aimable sujet, tout disposé à faire votre
panégyrique, comme mon ami Pline le Jeune en a fait un pour
son adorable
empereur Trajan et donc me voici tout disposé
à faire au meilleur d'entre
nous de
solennelles actions de grâce : "bene
ac sapienter ...". J'ose pourtant dire ce
qui me vient à l'esprit. Dans ce restaurant prestigieux, on ne sert pas
de sardines, non, elles ont trop d'arêtes, mais plutôt un beau
homard; les sardines, c'est
pour
la plèbe, le décapode, c'est de préférence pour ceux de la France d'en
Haut, et oui, je le répète, pour les seigneurs de notre misérable
république. François de
Rugis, grand gourmet, naguère 3ème personnage de l'Etat, peut témoigner
et abonder en
mon sens. A l'heure du
repas, divin Jupiter, d'une voix théâtrale, celle de Feydeau,
vous clamez : "Madame
est servie"; Et madame arrive, frétillante,
sautillante, toute
guillerette.
Qui paie ? Les
gilets jaunes, vos bienfaiteurs. Et vous mettez beaucoup d'ardeur à les
combattre, ces vilains gilets jaunes, oublieux que vous êtes de
l'horrible serpent de mon bon
La Fontaine, qui, Dieu merci, n'a pas connu l'ENA. Vous savez, le
patron d'entreprise a parfois son restaurant d'entreprise : c'est lui
qui paie et accorde un petit prix pour ses ouvriers. Alors,
divin
Jupiter de la Préfecture, ayez, pour une fois, l'état d'esprit d'un
patron d'entreprise, mettez la main dans le cambouis, payez
le personnel de votre restaurant et, si vous le voulez,
accordez
un petit prix à vos compagnons de table, vos commensaux, qui suivent le
même régime que vous, un si merveilleux régime. Bannissons à tout
jamais
les dessous de
table
voulus par le patron de Bercy. Bannissons les privilèges qui perdurent
sous la Vème
république. Embellissons dame
Démocratie, la pauvresse, actuellement toute déguenillée à cause de nos
prétendues têtes pensantes.
Divin Jupiter de la Préfecture, vous me susurrez à l'oreille : "Il y a
d'autres dessous de table payés par les gilets jaunes". C'est bien vrai
et je suis ravi de vous savoir clairvoyant, pour une fois. Et,
prenant la
balle au bond, j'ajouterai que beaucoup d'élus se promènent avec leurs
tickets-restaurant, des frais de représentation, payés là encore par
les gilets jaunes, lesquels sont tout heureux de savoir, enfin, qu'ils
n'ont
rien à payer pour le réveillon de ces élus nantis. Dame Couapel-Sauret,
susnommée,
revêtue de sa robe d'avocat, apte à réciter son Dalloz, peut-elle, d'un
heureux effet de manche,
nous dévoiler quelque chose à ce sujet, faire toute la clarté sur ce
problème obscur ? "On ne nous dit pas tout", crie ma soeur Anne.
Alors, divin Jupiter, descendez de votre Olympe et venez piétiner le
plateau des vaches. C'est là que j'ai imaginé la seconde
Révolution qui donnera naissance à la VIème République. Lors de la
première, on a écourté d'une tête le roi. La seconde
Révolution va
consister à rogner les bourses de la France d'en Haut, à supprimer tous
les privilèges, à rétablir plus
équitablement la manne financière de l'Etat. Une redistribution des
deniers publics qui va
permettre de recruter des infirmières, des policiers, et l'on
va redorer la
situation des Ehpad. Les gilets jaunes vont enfin trouver un emploi
décent et n'auront plus à tourner en rond aux ronds-points. Nos
pompiers auront des bombardiers d'eau tout neufs pour remplacer ceux
qui sentent la ferraille. L'armée
pourra avoir du matériel en meilleur état pour le bonheur du Général de
Villiers que Macron a renvoyé lamentablement dans ses foyers.
Justement c'est ce Général qui devrait se présenter aux présidentielles
prochaines et proposer la constitution de la VI ème République par
référendum populaire. Il va être notre sauveur.
Je vis d'espoir.
Divin Jupiter de la préfecture, divinement vôtre.
Gérard Jeanneau, ex gardeur de vaches sous l'occupation allemande.
********
Le même article enfin chez
Zinfos974.
Le villageois et le serpent.
Madame est servie.
On ne nous dit pas tout.
Cachez ce homard.
Bercy (c'est là que se
mijotent les dessous de table de la République)
Vive la VIème République !
Notre bon Président va-t-il toujous péter
dans la soie ?
Péter dans la soie.
Pilleur d'Etat.
Panégyrique de Trajan.
Mes
colombes en train de casser la graine.
(la cage est ouverte, mais elles n'ont pas envie de bat carré).
Charon et sa barque
Collectif Gilets Jaunes Isère Le préfet des TAAF (à Saint-Pierre)
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