Mon
bon préfet des TAAF,
Grand
Dieu, que je suis ravi, moi, pauvre gilet jaune, de vous confesser à la
manière augustinienne, oui, tout simplement de vous louer et de vous
glorifier, vous, super préfet des TAAF.
Par un quasi divin décret du ministre de l'Intérieur, Darmanin,
qui soigne de son mieux ses bijoux de famille, vous a soigné
mirifiquement à son tour : vous voilà à la tête d'un vaste territoire
où
vous ne mettrez pas les pieds sauf lors d'une petite croisière de trois
semaines pour placer ici et là sur votre vaste échiquier vos pions, vos
collaborateurs qui, fidèlement, vous tiendront au courant de ce qui se
passe dans leur entourage. C'est là la plus rude tâche de
votre
très haute et très noble mission. Vous, super préfet, qui avez
légalement
déserté l'armée - laissé là l'armée, étymologiquement parlant
- vous avez jugé bon de vous réfugier dans la préfectorale,
légalement bien sûr, car la soupe est de meilleure qualité. Les
échelons gravis - comme il va de soi
- maintenant, vous siégez royalement
sous les cocotiers de Saint-Pierre, bien au chaud, loin, très loin de
vos TAAF, avec au fronton de votre résidence : Liberté, Egalité,
Fraternité. Que c'est merveilleux ! Mirabile dictu !
Mon bon
Saint-Augustin continue à vous louer chaleureusement. Et le non moins
bon Virgile, qui a chanté le bonheur des agriculteurs de son Latium,
vient à mon secours pour chanter le vôtre dans sa langue maternelle
marquée d'un petit souvenir de la langue grecque :
O
fortunatum nimium, tua si bona noris, praefectum
!
Auguste préfet des TAAF, vous êtes bien loin de savoir tous
les
bienfaits que vous procure le Tiers-Etat républicain, la France d'en
Bas, et donc les gilets jaunes, la plèbe de notre République
bananière. Vous avez votre restaurant personnel, votre
Fouquet's, comme votre homologue de
Saint-Denis, à 80 km de votre domicile ? Ou avez-vous plutôt votre lot
de barquettes pour vous et
madame ? Avez-vous une voiture de fonction, non pour aller sur votre
territoire mais pour aller des cocotiers de Saint-Pierre vers ceux de
Saint-Gilles, à la rigueur vers ceux de votre homologue de
Saint-Denis ? Lors de votre récente croisière, en avez-vous
profité pour consommer un homard, plat privilégié de François de Rugis,
naguère 3ème personnage de l'Etat ? Le journaliste du JIR, Jacques Tilier, grand
investigateur des cocotiers, le bien nommé titilleur
des cocotiers,
ne se pose pas la
moindre question vous concernant. C'est consternant. Nous ne savons
rien ou si peu, et pourtant nous payons et nous voudrions tirer tout cela au
clair. C'est le silence absolu sur les beaux avantages, vos beaux
privilèges quasi royaux, sous notre République chancelante. Il y a comme un secret défense, une chasse
gardée et bien
gardée, bien à l'écart des ladilafé.
Et
pendant que vous retourniez de votre récente croisière, sur le chemin du retour, toute noble mission
accomplie, je ne pouvais pas m'empêcher de penser aux infirmières des
hôpitaux, les serves de notre république. Ces vaillantes guerrières, le
visage bien masqué,
luttent inlassablement contre la covid-19. Elles sont au coeur du combat. A tout
instant, elles
risquent et leur vie et celle de leurs propres enfants. Elles, elles ne
désertent
pas. Leur ministre, Olivier Véran, un haut dignitaire de la
franc-maçonnerie, a daigné leur octroyer une petite
augmentation,
quelques misérables roupies. Les blouses blanches, attachées à leur
mission très religieusement, restent encore les plus mal payées
d'Europe.
L'humanité du franc-maçon, Olivier Véran, se loge ... hors de
France. Et si une infirmière
du public vient à contracter la covid-19 sans symptôme, elle doit continuer à
soigner, à soigner encore. C'est le dictat du grand humaniste, Olivier Véran, en accord
avec
la sécurité sociale. Son slogan hautement martial à l'adresse des blouses blanches, c'est : "Meurs ou tue la covid-19".
Alors,
mon bon préfet des TAAF, savourez, savourez bien votre
grand bonheur, le bon Virgile vous y presse; oubliez un instant le
sort de nos malheureuses
serves de la république, si mal servies par ceux-là même qui vous ont si
bien
servi, et
le gilet
jaune, que je suis, vous souhaite de passer de très belles vacances
australes
sous les cocotiers de Saint-Pierre.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet des TAAF, l'expression de ma très, très haute considération.
Gérard
Jeanneau, ex gardeur de vaches sous l'occupation allemande.
Gières,
le 19 décembre 2020
P. S.
Et
j'entends encore la douce voix de Virgile qui vous chante : "O
fortunatum nimium, si multa infirmariarum mala noris,
praefectum ! " |